Ikea® - Caro

Publié le par Cosmic Twins Bastards

Bonjour. Je m'appelle Zoé Caca. Avant que vous n'interrompiez votre lecture en prétendant que l'humour pipi-caca, c'est pas votre truc, sachez que c'est vraiment un nom difficile à porter. Mais je fais avec depuis un certain temps déjà, et puis je ne désespère pas de pouvoir l'adoucir un jour par une union célébrant l'amour avec un grand A.
En attendant, "CACA" ça n'est pas pire que VITTEMOLLE ou SOCKERKAKA.
Car voyez-vous, pour asseoir la légitimité et la solidité de mon couple, je fais des efforts. Et hier, je suis allée chez Ikea®.
Si je garde la tête haute quand il s'agit d'énoncer mon nom de famille, il y a des pas que j'ai du mal à franchir, des choses que j'ai du mal à assumer. Et aller à Ikea® arrive probablement en tête de liste.
 
Comment vous dire ?
J'ai en horreur les cuisines intégrées et sans autre âme que celle des stickers vous indiquant que oui, c'est bien une "cuisine" avec des "épices" où vous pourrez être "heureux". La persuasion murale n'a aucun effet sur moi.
Je ne supporte pas de retrouver mon meuble télé chez mon voisin de palier... "Ah vous aussi vous avez opté pour un BILLY ?"... Comme si c'était un Vincent ou un Boulle... "C'est tellement pratique !"... Ce mot est banni de mon vocabulaire. Pratique est dans mon univers synonyme de laid et chiant.
Les clés Allen fournies dans un sachet en plastique parmi 79 fixations de 17 formes différentes me donnent de l'urticaire.
Je n'ai aucun mal avec le concept de "fixer la planche E sur le montant Z", à condition que la planche E ait une histoire et le montant Z, un minimum de gueule.
 
Snobisme, me direz-vous ?
Peut être. La décoration de ma maison me ressemble. Elle est faite de bric et de broc, meubles et bibelots non griffés, biscornus et peu pratiques, mais je les crois uniques (pour moi) et je les aime.
Je me demande comment on peut aimer un PROUTKULL. 
Quant à une VITTEMOLLE, son nom parle pour elle.
 
Ceci étant dit, je me suis laissée convaincre par mon cher et tendre : "Tu verras, m'a-t-il dit, on rafraîchit la déco pour pas cher et on va pouvoir écrire notre histoire dans un endroit qui ressemble à nous deux !"... Lu entre les lignes ça donne : on vire toutes tes vieilleries qui servent à rien, en plus je les aime pas.
Mais comme son argument majeur n'est pas du style VITTEMOLLE, nous sommes allés chez Ikea®.
 
J'ai vraiment du mal à passer la porte, n'est ce pas ? Venons en au fait.
Si ça n'avait tenu qu'à moi, je serais volontiers restée à droite en rentrant, dans la piscine à balles multicolores. Mais j'ai (encore) fait un effort et digne, stoïque, j'ai suivi les stickers au sol qui m'ont guidé vers mon enfer personnel.
J'ai gravi l'escalier (c'est rigolo la rampe en serpent, j'avoue) et là... Stupeur. Tremblements. 
 
Le royaume de la mise en scène du bonheur en papier glacé, je savais à quoi m'attendre. Mais partout : des couples flanqués de leur marmaille bien trop audible, qui débattent sur l'adaptabilité dans leur salon de BITTEMRUCK et l'intérêt de prendre JENTRÅCKER avec des portes (ça cache le bordel) ou sans (c'est plus "stylé")... 
"Et en blanc mat ou laqué ? Parce que comme c'est toujours moi qui fait le ménage, t'es bien gentil mais j'ai pas envie de passer deux heures à me faire chier tous les samedis matin, toi tu t'en fous, t'es au foot avec Mateo... D'ailleurs en parlant de lui, où il est passé encore ? Voilà, tu fais des mioches et après, dès qu'il y a un canapé dans le coin, y'a plus personne ! J'aurais dû écouter ma mère.... Ça me fait penser qu'elle m'a dit de lui ramener une passoire... Je prends CHOULLA ou BERGTRUF ? Et les ampoules ? T'as noté la référence des spots de la salle de bain ? Bin non, évidemment ! Faudra encore revenir la semaine prochaine..."
Par pitié ! 
 
Achevez moi ! 
J'ai souffert pendant trois heures et demi... 
J'ai bravement traversé le purgatoire : affronté des coussins aux décors seventies, tenté de différencier les unes des autres huit références de bibliothèques (échec cuisant). J'ai failli vomir derrière des "structures de rangement emboîtables" et les dessertes en panneaux de particules hydrofuges m'ont collé la migraine.
Pendant des lustres, la vision trouble, affalée sur un caisson en métal ("actuel, zen et pratique"... ZEN ? PRATIQUE ???...), j'ai regardé ma moitié tester tous les fauteuils de bureau et faire la course contre un gosse de huit ans sur une VAGSBERG-SPOREN pivotante à roulettes. 
 
Près des caisses, j'ai enfin vu de la lumière...
Mais j'ai encore dû patienter en hyperventilant dans un sac en papier recyclé bio, pendant qu'il se faisait remettre la carte Ikea Family ®....
 
Je ne sais plus très bien comment nous sommes rentrés.
Tout ce que je sais, c'est que depuis hier, mon homme sifflote du Benabar en jogging au milieu du salon, entouré de planches qui se ressemblent toutes et de bitonios improbables. Nonobstant les mots fleuris qu'il égraine par ci par là, il a l'air de bien s'amuser à chercher son tournevis.
 
Moi j'ai une bougie de 4kg à la fleur de coton. 
Et je ne suis pas sûre qu'elle et moi passerons l'hiver...

Publié dans Caro

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C
Amour quand tu nous tiens, tu nous fais nous surpasser !
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