Le barbecue - Caro
Hier, nous avons invité des amis pour un barbecue.
Quand je dis "nous", c'est ma moitié et moi. Vous ai-je déjà parlé de ma moitié ? Cet adorable ours tarnais aux yeux verts capable de monter un meuble en kit en un week end en chantant de la variété française ? Voilà, vous situez maintenant.
Il est plein de bonne volonté et pour gâter nos hôtes et me ménager (car il est vraiment très prévenant), il m'a déclaré qu'il s'occupait de tout.
J'ai eu un peu peur.
Connaissez-vous ce moment d'intense désarroi où, après que votre mari vous a déclaré "Chérie, ce soir c'est moi qui cuisine !", après avoir mis des boules Quies et pris un Lexomil afin d'arrêter de stresser en imaginant comment la confection d'une omelette pouvait provoquer un tel vacarme, après avoir relativisé en se disant que cette attention est une preuve d'amour, ce moment, disais-je, où l'heure du repas étant venue, vous rentrez dans la cuisine dévastée, sinistrée... L'omelette est un délice, la cuisine, c'est Beyrouth. Mais peu importe. Rien ne peut me faire plus plaisir que mon homme s'occupant de moi.
Pour cette occasion spéciale avec son meilleur ami, il avait prévu chips aux légumes, bière et barbecue. Simple, sécure. Rassurée, j'ai donc vaqué à mes occupations pendant la préparation des braises.
Au bout d'un quart d'heure bien employé à l'installation du salon de jardin, j'entendis mon chéri grommeler devant la porte fenêtre du salon. Je fis un petit tour discret d'observation. Mon pauvre amour n'avait plus d'allumettes et son tipi de brindilles était toujours éteint. Magnanime, je lui rappelai que nous avions encore quelques allume feux près de la cheminée, que j'allai gentiment lui chercher, voyant sa déception d'avoir déshonoré ce premier homme qui avait inventé le feu.
Certaine de sa proche réussite, je partis dresser le couvert.
Au bout d'un autre quart d'heure, mon attention fut attirée par de petits sanglots au coin de la maison. Inquiète (mais pas trop puisque ma fille est chez une copine et le chat sur le canapé), je sortis... Et trouvai mon homme soufflant sur ses doigts boursouflés en retenant ses larmes. Je le laissai s'exprimer sur mon inconscience à acheter des p*** d'allume feux à la p*** de paraffine qui pue et qui de toutes façons sont trop vieux, p***, mon idée j'aurais pu me la mettre au c***. Je suis d'un naturel stoïque et patient. Mais il ne faut pas trop me chercher quand même. Après un échange animé sur nos incompétences respectives, nous nous tournâmes le dos. Je rentrai mettre la bière au frigo et jouer à Candy Crush dans ma cuisine toute propre pendant qu'il se précipitait au garage.
Après un autre bon quart d'heure, interrompu par une visite éclair du cuisinier venu farfouiller sous l'évier - sans oublier de me lancer que vraiment je n'avais rien d'autre à foutre que jouer à des jeux de merde - j'entendis enfin des exclamations viriles et sentis enfin une odeur âcre de fumée. Glissant la tête à l'extérieur, j'aperçus un sac de charbon de bois et ma bouteille d'alcool ménager... Victoire ! Le plus dur était passé, l'honneur était sauf... Enfin, peut-être pas. Je venais de m'apercevoir que la chienne, profitant de mon inattention, avait fait patte basse sur les chips aux légumes que j'avais disposées dans un plat. Afin d'éviter la catastrophe (et la dispute qui ne manquerait pas de suivre) je mis donc des frites au four en quatrième vitesse. Le repas était sauvé, la bière était au frais, le barbecue allumé. Ouf ! Car nos invités venaient d'arriver...
Nous avons passé une excellente journée entre amis, à débattre des bienfaits comparés des protéines animales et végétales.
Mais demain, il faut que j'aille à la pharmacie acheter de la Biafine...