Où je bénis l’usage du Lexomil® - Caro

Publié le par Cosmic Twins Bastards

- Chronique d’un déplacement ordinaire - 

Ces derniers temps, je suis devenue totalement accro à la série « Orange is the new black ». Pour ceux et celles qui ne connaissent pas, voici le pitch : « Entre les murs de la prison pour femmes de Litchfield, la vie n’est pas rose tous les jours. Rattrapées par le passé, des détenues venues d’horizons divers cohabitent dans cette société en vase clos. ». Et voici mon conseil : regardez-la ! J’adore voir (après 1 minute de pur plaisir avec le générique génialissime de Regina Spektor) évoluer ces femmes piégées entre quatre murs et comprendre grâce à l’instillation de court moments de leur vie d’avant la prison, comment elles sont arrivées là et pourquoi elles sont aujourd’hui telles qu’elles sont. Je réalise qu’un simple concours de circonstances ou une pulsion incontrôlée peuvent nous conduire à faire des atrocités.

A mon grand désespoir, je suis en train de vivre une de ces pulsions. Et je me dis que vraiment, l’orange n’est pas une couleur qui me sied…

Depuis une trentaine de minutes, je suis assise dans un avion (siège 15F), destination Paris. Petite précision utile à ceux qui me connaissent, nous sommes lundi, ce qui n’augure rien de bon. Alors, je me concentre sur mon hublot pour tenter d’oublier… Oublier que depuis ces trente putains de minutes qui nous séparent du décollage, je subis la diarrhée verbale de ma voisine de siège (15E) qui semble persuadée que sa vie personnelle et intime passionne la collègue avec laquelle elle voyage (15D). Par un hublot à 3000 mètres d’altitude, on ne voit que des nuages. Rajoutez à cela que les serveuses du ciel ne fournissent plus de mini viennoiseries avec le café lyophilisé, mais des biscuits secs préemballés, et vous aurez une idée de mon agacement.

Comme les prisonnières de Litchfield, je suis piégée dans la carcasse de cet avion, avec deux bonnes femmes atteintes de blablatite aigue. A Litchfield, j’aurais pu renverser mon plateau repas sur leur tête une fois que le maton aurait eu le dos tourné, mais là, j’ai déjà fini mon ersatz de café et mon biscuit n’est pas très menaçant. Comme souvent dans ce genre de déplacement professionnel, elles ont commencé par parler travail, potins de machine à café (et vous savez à quel point…), baver sur les collègues, anticiper sur la formation qui les attend à leur arrivée à Paris, et sur l’hôtel sûrement minable que leur a réservé la secrétaire de Direction. Et c’est là que c’est devenu pire. O combien…

En parlant d’hôtel, le sujet a doucement glissé vers les prochaines vacances de 15E. Et j’en ai appris, des choses ! Saviez-vous qu’à 3 800€ la semaine de ski dans les Pyrénées (forfait compris, quand même) pour 4 personnes, il vaut mieux réserver au dernier moment, surtout quand on n’est pas sûr que la neige soit au rendez-vous ? (Sans déconner ?) Et que c’est risqué, il n’y aura peut-être plus de place dans cette charmante résidence au pied des pistes (moi je traduis ça façon Les Bronzés, les uns sur les autres, les pieds dans la gadoue et ça me donne encore plus mal à la tête…)… En plus, avec l’emploi du temps de Constant (l’aîné), ça va être une vraie galère ces vacances, il va être crevé, quoi ! Et là s’ensuit la description détaillée de l’emploi du temps de Constant qui est un joyeux bordel entre le tennis, les cours de piano et Maths Secours… Pauvre gosse ! Heureusement qu’Adeline (la cadette) fait la joie de ses parents en parlant quasi couramment l’espagnol, à peine 12 ans tu te rends compte ? Question de pure rhétorique qui s’adresse à 15C, maintenant muette. Je la soupçonne de dormir les yeux ouverts, la chanceuse… En parlant d’espagnol, ça sera bien pratique pour les vacances à La Escala cet été, ces catalans sont pas fichus de comprendre 3 mots de français, ils vivent bien de notre tourisme, quand même ! Et en parlant d’Espagne (pitié, arrête de parler…) les femmes de ménages portugaises sont quand même bien supérieures aux espagnoles, croyez-là ! (car 15E a toujours raison). De véritables perles, minutieuses et très propres (…euh ?), sauf que du coup 4H de ménage par semaine ça ne lui suffit plus pour tout faire à Perlita, elle est tellement appliquée ! Alors hier, bibi 15E a du briquer la cuisine à fond, car à midi, elle recevait du monde. 10 personnes, c’est du boulot ! Déjà qu’elle avait passé la matinée de samedi chez le boucher et à Carrefour Market, quel week-end, mon Dieu, quel week-end !

Je souffre le martyre. Ah ! 15C a baissé les paupières, peut-être que… ? Non. Rien à faire, la logorrhée reprend de plus belle. « Oui, parce que Ramonville c’est pas Auterive, tu comprends ! ».

Ce que je comprends, moi, c’est comment on peut en arriver à cogner quelqu’un. Un bon défonçage de face juste pour la faire taire me soulagerait grandement.

Pourquoi ne lui ai-je tout simplement pas demandé de baisser d’un ton, d’être plus discrète, me direz-vous ? Mais c’est qu’elle ne parlait pas si fort, 15E. A part ses voisines immédiates (dont moi), je ne pense pas que quelqu’un d’autre soit dérangé par ses petites histoires. L’ennui, c’est que j’en ai tout simplement rien à taper. Ma maman m’ayant bien élevée, je me vois mal lui dire le fond de ma pensée (ta gueule, connasse, on s’en balance de tes histoires de bourgeoise coincée du cul, tu la fermes et c’est marre !). Laissant tomber le hublot, je me concentre sur mon livre, commencé hier soir et que je me réjouissais d’avoir emporté ce matin. J’ai relu 15 fois le même pauvre paragraphe de 10 pauvres lignes. J’abandonne, et je teste les boules Quies. Sachez-le, elles ne font pas barrage aux voix de pétasse en sac à main Gucci (ultra démodé). Du coup, je déroule mon casque, que je branche à mon smartphone avec l’espoir de me plonger dans la musique. Pour gagner de l’espace de stockage, j’avais transféré ma musique dans le Cloud. Et le Cloud, on n’y a pas accès quand on est soi-même dans les nuages, au sens propre. Ironique, non ? Vous ai-je dit que nous sommes lundi ?

Je m’efforce donc depuis maintenant presque une heure, de contenir mes pulsions verbales (parce que mon éducation, tout ça tout ça…) et physiques (pourtant elle la cherche bien, quand même, ma main dans sa gueule !). Je réussis plutôt pas mal. Pour l’instant, je n’ai jeté que quelques regards noirs et poussé de profonds soupirs agacés. Sans effet, vous vous en doutez, puisque je viens d’apprendre que 15E s’est levée à 5h23 et qu’avant 7H, elle n’est bonne à rien. Cette règle ne s’applique visiblement pas à sa faculté de s’épandre et se répandre…

A l’approche de la piste d’atterrissage, je remercie donc officiellement et solennellement mon médecin qui, m’ayant trouvée un tantinet à fleur de peau, m’a prescrit la semaine dernière ce prodigieux Lexomil® qui me fait sentir si calme et magnanime, et m’évitera de passer quelques mois derrière les barreaux pour violences aggravées.

Quoi que… Je me demande si je n’ai pas oublié de prendre mon cachet ce matin …

Publié dans Caro

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C
Punaise.....qu'est ce que je suis bien dans mon TAD...... bon j'en conviens pour atteindre Paris j'ai comme un p'tit problème. Mais chacun sa ....... problématique.....yesssss j'ai trouvé un synonyme diplomatique !
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