Chocolat 2.0 - Caro

Publié le par Cosmic Twins Bastards

Hier soir, nous étions tranquillement installés sur le canapé, mon café, mes cigarettes, ma couverture polaire et moi, en train de bouquiner.

Et tout à coup, PAF ! La tuile… L’os… Le grain de sable… LE mot. Celui qui vous fait illico descendre de votre piédestal et vous ramène à votre qualité d’inculte patentée.

Dans une phrase joliment tournée, nichée dans une intrigue rondement menée, j’ai buté sur un mot que je ne connaissais pas. Et pire, que je ne comprenais pas. Qu’à cela ne tienne, j’ai continué ma lecture, mais rien à faire. Sans le sens de ce mot, je ne pouvais pas comprendre le reste. Je me suis donc levée (en râlant) de mon nid douillet en quête du Larousse.

Que ma fille avait oublié à l’école. Alors, j’ai pensé à l’encyclopédie en 24 volumes que m’avait offerte ma grand-mère pour mon entrée au collège. J’ai donc pris la direction du bureau et je me suis plantée (un tantinet agacée) devant les rayonnages débordants de livres. Dans une poussée fulgurante et dynamique que « je débarrasse pour faire de la place », j’avais soigneusement emballé ladite encyclopédie inutilisée depuis des lustres dans des cartons.

Cartons que j’avais remisés au grenier. Et à 23 heures, pas question que j’aille copiner avec les chauves-souris pour un simple petit mot… Peut-être que les voisins auraient un dictionnaire... ? Oui, mais non. Pas à 23 heures. Je suis donc retournée sur mon canapé (passablement énervée) et j’ai allumé la télé. Série, série, télé-réalité, série, émission culinaire, série… Ah, reportage.

Sur la peinture américaine du XXe siècle. Enfin, un minimum de culture allait égayer ma soirée ! En plus, ça me rappelait les reproductions qui étaient dans la salle d’attente de mon médecin de famille, étant petite… Comment s’appelait ce peintre, déjà ? Impossible de m’en rappeler. J’ai donc repris le chemin du bureau (désespérée) ou à défaut d’encyclopédie, j’avais tout à l’heure repéré le Quid. Le ramenant au salon, je ressentis ce petit vide, ce tiraillement au niveau du plexus, provoqué par la frustration intellectuelle, ou le manque de chocolat. Il m’est par-dessus tout insupportable d’être confrontée à mon propre manque de connaissances et de chocolat. Je me suis donc réinstallée avec mon Quid, assise d’une fesse au bout du bout du canapé : un volume de 1 500 pages est incompatible avec une position confortable.

Seulement… Comment chercher dans un Quid quelqu’un dont on ne connaît ni le nom, ni la période ni même le style pictural exact ? Je suis restée prostrée (et fulminante de rage) de longues minutes avec mon poids inutile de 3kg sur les genoux quand soudain la solution évidente m’est apparue : je devais faire un gâteau au chocolat. J’ai gagné la cuisine (requinquée) et sorti tous les ingrédients de mémoire. Il ne me manquait plus que la recette pour les proportions exactes.

Sauf que… Je m’étais aussi débarrassée de mes livres de recettes, que je ne consultais plus pour cuisiner depuis des années. J’ai donc mélangé au pif farine, œufs, sucre, chocolat, cannelle et même, je crois herbes de Provence, dans un moule, que j’ai enfourné avant de m’écrouler (écoeurée et épuisée) à nouveau sur mon canapé, avec la récolte d’œufs de Pâques de ma fille.

Plusieurs heures après, mon mari, rentrant de sa soirée réseau entre potes, m’a réveillée dans une odeur de brûlé et furieux de la fumée qui emplissait la maison. Le gâteau avait cramé… Je crois qu’il n’a pas compris pourquoi je lui avais sauté à la gorge, échevelée, du chocolat collé au bord des lèvres, en me plaignant entre deux sanglots de mon ignorance crasse et en le suppliant de me ramener à la civilisation.

Aujourd’hui, ça fait 14 jours que nous n’avons plus internet.

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